Chronique

Chronique antidépressive (bis)

Il y a quelques mois, j’ai signé dans ces pages une chronique de bonnes nouvelles internationales, en guise d’antidote aux horreurs que l’on voit se dérouler aux quatre coins du monde.

Plusieurs lecteurs m’ont demandé de refaire l’exercice plus fréquemment, peut-être même une fois par semaine. Désolée de les décevoir : avec les calamités que nous inflige l’actualité internationale, de la Birmanie à la Syrie, en passant par la Méditerranée, une chronique optimiste hebdomadaire relève d’une mission impossible.

Mais en cette période quasi estivale, le temps est revenu de nous remonter le moral, avec quelques développements positifs passés un peu sous le radar.

Commençons par le Nigeria, où l’élection présidentielle de la fin mars a conduit à un changement de régime sans faire couler la moindre goutte de sang. Non seulement le président défait, Goodluck Jonathan, a-t-il cédé le pouvoir à son successeur, Muhammadu Buhari, mais il a même pris la peine de lui souhaiter bonne chance. Une marque de civilité sans précédent dans ce pays où aucun président n’avait encore quitté le pouvoir de bonne grâce à la suite d’une défaite électorale.

Avec ses 170 millions d’habitants, le Nigeria est le pays le plus populeux du continent africain. Déchiré par les tensions ethniques et religieuses, entre le sud chrétien et le nord musulman, il a connu ces dernières années plusieurs épisodes sanglants.

La montée récente du groupe djihadiste Boko Haram a ajouté une nouvelle couche de complexité à une situation déjà passablement tendue.

Le nouveau président a été assermenté le 29 mai. Évidemment, il n’a pas encore eu le temps de régler tous les problèmes du pays. Il n’en représente pas moins un espoir de changement, ne serait-ce qu’en raison de la route pacifique qu’il a empruntée pour arriver au pouvoir.

D’autant plus que cette élection a transcendé les divisions ethniques et religieuses, puisque même les électeurs du sud chrétien ont voté en faveur de Muhammadu Buhari – qui est un musulman du Nord.

« C’est le signe que les Nigérians sont en train de développer une appartenance civique nationale qui s’étend à l’ensemble du pays. » — Frank Chalk, politologue de l’Université Concordia

Des pays voisins, dont le Niger et la République centrafricaine, combattent déjà Boko Haram au Nigeria. L’armée nigériane sera-t-elle capable de prendre le relais ? Le nouveau président mettra-t-il un terme aux exactions qu’elle commet au nom de la lutte contre Boko Haram, comme le révèle un récent rapport d’Amnistie internationale ?

Sera-t-il vraiment aussi incorruptible qu’on le dit ? Saura-t-il colmater les brèches béantes par où fuit l’argent public ?

Tout ça reste à voir. Rien n’est acquis. Mais… on peut espérer. C’est déjà beaucoup.

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Pendant que le groupe État islamique poursuit son massacre culturel dans la ville syrienne de Palmyre, pendant que des sculptures antiques sont pulvérisées à Mossoul, en Irak, les autorités irakiennes annoncent la réouverture du musée national de Bagdad.

Ça faisait 12 ans qu’il avait fermé ses portes, victime des pilleurs qui y ont déferlé après la chute de Saddam Hussein. Le musée de Bagdad regroupait l’une des plus importantes collections archéologiques de la planète. Avant l’intervention américaine de 2003, il comptait pas moins de 15 000 artéfacts. Les deux tiers n’ont jamais été retrouvés. Mais il a réussi à reconstituer une collection d’environ 4000 objets. C’est assez pour nous rappeler que l’histoire se déroule en cycles. Et que tout ce qui n’est pas complètement détruit peut encore ressusciter.

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La troisième nouvelle positive de ce triptyque est d’ordre médical. Après avoir infecté plus de 27 000 personnes, et causé plus de 11 000 morts, l’épidémie d’Ebola est nettement en perte de vitesse.

Le Liberia, pays dévasté par la fièvre hémorragique, est officiellement « guéri » depuis le 9 mai. L’ONU vient d’annoncer que l’épidémie sera finie d’ici quelques semaines en Sierra Leone.

Durant la semaine qui s’est terminée le 24 mai, on a compté 12 nouveaux cas, dont 3 en Sierra Leone et 9 en Guinée – pays où le virus a fait ses premières victimes, il y a 18 mois. Et où la situation reste inquiétante.

Ce n’est donc pas encore la victoire finale. Mais ce terrible virus perd clairement du terrain.

Pendant ce temps, des essais cliniques sur un vaccin anti-malaria promettent une percée contre un tueur moins spectaculaire que l’Ebola, mais néanmoins dévastateur.

Plus de 200 millions de personnes sont infectées par le parasite qui cause le paludisme, et plus de 600 000 en meurent chaque année, particulièrement en Afrique.

Or une firme britannique vient de tester un vaccin expérimental sur 15 000 enfants. C’est la première fois qu’un vaccin antipaludique atteint la phase 3 – dernière étape avant la mise en marché. Les résultats semblent prometteurs.

De toute évidence, les sources d’optimisme se trouvent davantage dans les laboratoires pharmaceutiques que sur les lignes de front. C’est peut-être un signe des temps. N’empêche : il y a là une promesse d’une vie meilleure pour des millions de gens.

En cette époque chiche en bonnes nouvelles, c’est toujours ça de pris.

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